Quelle différence entre atténuation et adaptation ?
- COP26
- Léonore Moncond'huy
Le dernier rapport du GIEC a montré combien il était désormais tout aussi urgent d’atténuer le changement climatique, que de s’y adapter.
Cette différence est aussi au cœur du plaidoyer que je porte à la COP26. Mais quelle est la différence entre les deux ?
Agir pour l’atténuation, c’est agir pour limiter le réchauffement global de la planète. C’est le fameux objectif de l’Accord de Paris : “contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels.”
Il y a deux moyens d’agir pour l’atténuation
- Réduire les sources d’émissions dans les secteurs d’activité les plus émetteurs. A l’échelle mondiale, cela passe avant tout par la réduction des émissions liées aux énergies fossiles, tous secteurs confondus. Pour avoir une chance de limiter le réchauffement à 1,5 °C, il faudrait laisser 60 % du pétrole et du gaz dans le sol, et 90 % du charbon. A Poitiers, 56% de nos émissions de GES viennent du secteur des transports, c’est donc notre priorité pour réduire notre impact sur le Climat.
- Absorber le CO2 de l’atmosphère en développant des “puits de carbone”, comme la forêt ou les sols végétaux, qui « captent » du carbone pour éviter qu’il soit stocké dans l’atmosphère. C’est aussi pour cela que la préservation des terres non-artificialisées est importante, de même que la plantation d’arbres en masse. Malheureusement, le dernier rapport du GIEC nous indique que les puits de carbone existants arrivent à saturation, d’autant plus qu’ils se réduisent dramatiquement chaque année, comme la forêt amazonienne.
Agir pour l’adaptation, c’est en revanche agir pour vivre avec le changement climatique.
Le changement climatique est déjà bien présent à l’échelle du globe et dans nos vies, on sait que l’objectif de le contenir sous la barre des 1,5° de réchauffement est désormais hors de portée, et donc que ses conséquences vont s’aggraver. Les catastrophes naturelles se multiplieront, et notre écosystème évoluera à un rythme sans précédent. Bref, il faut nous adapter, et faire en sorte que le monde reste vivable malgré un climat en pleine évolution.
Les moyens d’agir pour l’adaptation sont multiples : ils sont parfois techniques (comme les digues contre l’érosion du trait de côte due à la montée des océans), parfois logistiques (organiser notre capacité à nous protéger face aux crises), mais surtout structurels (faire évoluer nos systèmes agricoles, implanter des îlots de fraîcheur dans les zones urbaines très minérales…)… et sociaux (maintenir des sociétés en paix dans un contexte où de nombreuses zones du monde seront progressivement invivables, avec les nombreux déplacements de populations engendrés, est un vrai défi). C’est ce que l’on appelle construire la résilience de nos territoires.
L’un vise à agir sur les causes, l’autre sur les conséquences.
A première vue, ces termes pourraient s’opposer. L’un vise à agir sur les causes, l’autre sur les conséquences. L’un est quantifiable avec une mesure universelle -les tonnes de CO2 en + ou en – -, l’autre repose sur des « critères de résilience » moins quantifiables et très variables selon les contextes. Le défi de l’atténuation doit se relever à l’échelle mondiale, tandis que l’adaptation est avant tout à construire à l’échelle de régions ou de territoires. L’un semble plus urgent que l’autre… et pourtant.
Depuis les premières alertes sur le changement climatique, c’est l’atténuation qui fait l’objet de toutes les attentions. “Attention, si on ne fait rien, le changement climatique va arriver !” Au-delà du déni encore très présent, implicitement, engager l’adaptation serait entériner l’échec des politiques d’atténuation. On en parle très peu, encore aujourd’hui, au motif avancé que parler d’adaptation détournerait des efforts d’atténuation à faire, en particulier de la part des pays dits « émergents ». Mais les raisons de cette désaffection sont aussi un témoin des fortes inégalités entre pays, face au changement climatique. L’adaptation est bien plus une urgence, aujourd’hui, pour les pays dits “du Sud” que pour les pays dits du Nord, car ce sont eux qui subissent en premier les conséquences les plus dures, les plus tangibles du changement climatiques, mais surtout parce-qu’ils sont les plus vulnérables. Et puis, avancer sur l’adaptation, au niveau international, c’est s’engager dans la compensation par les pays du Nord des dégâts subis par les pays du Sud. C’est ce que demandent les pays du Sud lorsqu’ils demandent la reconnaissance des « pertes et préjudices » liés au changement climatique : la reconnaissance juridique et financière de la responsabilité des pays du Nord, et leur engagement financier pour les aider à faire face. Les pays du Nord n’ont donc aucun intérêt à s’y engager. D’ailleurs, ils refusent tout net.
Les chiffres le confirment : le compte n’y est pas. Alors que l’Accord de Paris prévoyait un équilibre entre atténuation et adaptation, on estime aujourd’hui qu’au maximum 25% des efforts engagés le sont pour l’adaptation.
Il faut en réalité, et de plus en plus, agir résolument pour les deux objectifs : impossible de s’adapter et tout simplement vivre dans un monde à +5 ou 6 degrés, ce qui serait ce vers quoi l’on irait sans atténuation ; mais il serait tout aussi irresponsable de notre part de ne pas construire, dès maintenant, l’adaptation face à des changements dont on sait d’ores et déjà qu’ils auront lieu – quand bien même on réduirait dès maintenant nos émissions de manière drastique, nos émissions « historiques » auraient encore de l’impact pendant des dizaines d’années.
De plus, ces objectifs se renforcent souvent entre eux, s’ils sont pensés en cohérence. Un exemple : à Poitiers, d’ici peu, tous nos bus rouleront au BioGaz : un gaz 100% produit à partir de ressources locales (déchets organiques, donc renouvelables), qui rejette moins 85% de CO2 que le diesel. Nous atténuons l’impact de nos mobilités sur le climat ; mais nous nous adaptons aussi, en contribuant à faire sortir notre territoire de sa dépendance aux énergies fossiles, dont nous ne maîtrisons pas la production localement, et dont les prix sont très fluctuants.
Limiter notre impact sur le climat, organiser l’adaptation de nos villes, de nos régions, pour qu’il y fasse encore bon vivre demain : des lignes directrices claires… Les essayer, c’est les adopter !