Entretien pour La Nouvelle République avec André Laignel, Vice-Président de l'Association des Maires de France et Maire d'Issoudun.

Extraits :

Les maires, acteurs de paix et de cohésion

André Laignel insiste : il ne faut pas sous-estimer le rôle que jouent les maires dans le maintien de la paix et de la cohésion en France : "Nous avons un pays de plus en plus divisé, et même aujourd'hui, cela atteint nos communes", constate le maire d'Issoudun. "Nous pouvons encore parfois réussir à être le lien pour atténuer les divisions dans nos communes."

L'élu tire même la sonnette d'alarme : "Si on ne nous donne pas les moyens de la proximité, alors, ce qui est aujourd'hui une faille, une division, peut devenir un gouffre et donc entraîner des conflits qui ressurgiront. Il y en a déjà eu. Si rien n'est fait, il risque d'y en avoir d'autres beaucoup plus graves que ceux que l'on a connus." 

La maire de Poitiers partage "à 100 %" ce point de vue. "Il s'agit de considérer notre regard de témoin des évolutions fortes de notre société et la fracture, y compris au sein de nos villes, en fait clairement partie", appuie Léonore Moncond'huy.

Le "pouvoir de vivre" et "pouvoir d'action"

Le pouvoir d'achat est aujourd'hui le sujet de préoccupation principal des foyers français. "Bien entendu nous en tenons compte, explique André Laignel. Nous le faisons dans nos tarifs sociaux, dans nos restaurants scolaires, dans le périscolaire… mais nos limites ce sont nos capacités financières". [...]

Plus largement, la maire de Poitiers préfère parler de "pouvoir de vivre". Elle explique : "Cela peut sembler rhétorique mais pas du tout, le pouvoir d’achat implique l’idée que l’argent fait le bonheur et d’un confort lié à l’idée de consommation. Nous, on peut améliorer le pouvoir de vivre des habitantes et des habitants en améliorant la qualité de vie et des services". Le fait de pouvoir manger bio à la cantine est un exemple. Mais Léonore Moncond'huy aimerait pouvoir aller plus loin."

Dématérialisation : la résistance de la maire de Poitiers

En 2022, les collectivités locales sont censées avoir dématérialisé 100 % des démarches publiques. Un non sens pour la maire de Poitiers qui qualifie cette mesure de "lame de fond particulièrement forte".

Léonore Moncond'huy assure en faire le constat tous les jours : "On sait très bien que pour un large pan de la population, c'est impossible d'avoir accès à ses droits parce qu'il y a une forme d'illectronisme qui est encore peu quantifiée mais que nous constatons. L'État dématérialise toutes les démarches de ses institutions mais ne met pas en oeuvre les moyens d'accompagnement qui vont derrière pour permettre aux citoyens d'y avoir accès."

L'élue cite l'exemple des conseillers numériques nouvellement embauchés dans de nombreuses communes, dont le but est de faire le lien entre les gens et les services. "On a une aide sur deux ans, mais au bout de deux ans, on ne pourra pas s'en séparer. Donc c'est un transfert de compétences qui ne dit pas son nom. On fait reposer sur les collectivités l'accès effectif des droits aux personnes à l'heure de la dématérialisation."

Léonore Moncond'huy monte au créneau : "Je suis dans une forme de résistance vis-à-vis de ça.  Il faut maintenir une alternative physique, en présentiel car sinon, ça ne va pas dans le sens de l'inclusion sociale."