Carnet de bord de la COP26 - Jour 2

Première journée à la COP ! 

Passée la séance d’auto-tests collective, nous arrivons dans la zone bleue, la zone officielle des négociations. La zone verte, où se situent toutes les organisations non gouvernementales, est située à 15 minutes de la zone bleue, et les accréditations étant différentes, je ne pourrai pas m’y rendre.

Je vous parlais hier de l’importance de la communication… A peine arrivés, nous tombons sur un groupe de jeunes mobilisés pour une opération #BreakFreeFromPlastics, positionnés dans un espace semblant bien délimité. Des pancartes, un discours collectif plein de fougue.

De face, ça donne ça. Une jeunesse dynamique et déterminée.

De dos, ça donne ça. Un bataillon de smartphones connectés.

Mais de loin, ça donne ça. Une mobilisation engagée et pleine de fougue… dans un espace quasi vide, et un auditoire simplement de passage entre deux espaces. Sans les réseaux sociaux, la portée de leur présence à la COP serait probablement quasi nulle. 

Pavillons flamboyants et grands absents

Ainsi, ce qui frappe dans cette COP, ce sont surtout les absents. Les mobilisations de la société civile sont très peu visibles dans la zone bleue, et l’espace avec les pavillons des pays brille tout autant de l’absence de pays pourtant aux premières loges du changement climatique.

Parmi les nombreuses zones de la COP, entre de grandes allées, je vous propose de découvrir aujourd’hui celle des « Pavillons » des Etats et organisations partenaires. 

Chaque Etat présent a son pavillon, chacun son style, chacun sa technologie révolutionnaire à présenter, chacun son slogan. Extraits.

Le pavillon officiel des Nations Unies, organisatrices de la COP, face à celui du WWF.

L’Afrique du Sud

La Turquie

La Corée, avec un surprenant clip de K-Pop climatique. Heureusement, « Ca m’intéresse » nous explique tout : tout cela a un sens.

Et… le stand de la France, #MakeThePlanetGreatAgain.

Très peu de pavillons, en revanche, pour représenter les pays les plus vulnérables face au changement climatique. Un pavillon des AOSIS, ces états insulaires directement menacés par la montée du niveau des océans, mais aucun pays du Sahel et de manière générale très peu de pays africains ; peu de petits états d’Asie du Sud-Est menacés eux aussi par la montée des océans ; et au final une nette sur-représentation des pays riches. 

“Pour ceux qui ont des yeux pour voir, des oreilles pour écouter, et un cœur pour ressentir : pour survivre, nous avons besoin de limiter le réchauffement à +1,5°C. 2°C serait une condamnation à mort pour les populations d’Antigua et Barbuda, des Maldives, des Fidji, du Kenya ou du Mozambique, des Samoa et de la Barbade. Nous ne voulons pas de cette condamnation à mort et nous sommes venus ici pour dire ‘redoublez d’efforts, redoublez d’efforts’ car nous voulons exister dans cent ans”.

Ce discours, que l’on dit l’un des plus marquants de la cérémonie d’ouverture de la COP26, a été lancé à la tribune par la Première ministre de la Barbade Mia Mottley.  

Et puis, je ne pouvais pas parler du clou du greenwashing : « Join the race against climate change », en Formule 1. Une provocation ?

Le brouillon du texte de l’accord constitue un net recul pour les villes et les gouvernements locaux

Dans cette fourmilière à la logistique impressionnante, difficile de comprendre où est sa place, lorsque l’on a pour mandat de défendre la parole des collectivités, qui ne sont pas au cœur des négociations. Mais le mandat se rappelle à nous. Un message arrive par les réseaux de collectivités, pour nous alerter : le brouillon du texte de l’accord politique de la COP « constitue un net recul pour les villes et gouvernements locaux », dont le rôle doit pourtant être rappelé dès le préambule. Pourquoi ce recul ? Ronan Dantec, Sénateur et Président de l’ONG Climate Chance, nous décrypte : le signe d’un recul de la démocratie dans le monde, et un affaiblissement du plaidoyer sur le rôle des collectivités ces dernières années. Toujours est-il que le message est clair : « Nous encourageons tous les porte-paroles à profiter des heures à venir pour soutenir l’inscription de la collaboration multi-niveaux dans le texte », assorti de propositions concrètes (article X, paragraphe y…). Mission acceptée, et la journée ne manque pas d’occasions pour le faire.

Nos actions, nos engagements de terrain, sont une condition de réussite des accords des COP et autres Green Deals

C’est dans le Pavillon de l’Union Européenne que je participe au premier « side event » prévu, consacré à la manière dont les plans de relance post-COVID peuvent encourager la transition écologique. Après une introduction de Ban-Ki-Moon, ex Secrétaire Général de l’ONU, fortement teinté de « green growth » (croissance verte), c’est en anglais, of course, que je défends notre plaidoyer : les collectivités, en première ligne, ont besoin de décisions fortes des Etats à la COP, mais elles ont aussi besoin de moyens pour agir. Nos actions, nos engagements de terrain, sont une condition de réussite des accords des COP et autres Green Deals. Et, à mesure que le changement climatique avance sans être stoppé par une réelle régulation internationale, nous avons et aurons de plus en plus à gérer l’adaptation, qui demande, elle aussi, des politiques structurées et des fonds dédiés. Le meilleur plan de relance, c’est celui qui nous aidera à anticiper, et à nous adapter.

Ensuite, la journée a été source de nombreuses rencontres avec des élus d’autres collectivités, françaises et internationales. On échange, on partage des retours d’expérience sur les actions engagées pour nos territoires, on se croise dans les allées. Consolider les réseaux d’élus de terrain, une vraie valeur ajoutée pour les événements comme la COP. Quelle qu’en soit l’issue, nous agirons ; et agir de concert est la garantie de l’impact de notre action.

Coopération internationale et responsabilité écologique

C’est en tant que Vice-Présidente Climat de Cités Unies France que j’ai rencontré l’Agence Française de Développement, avec toute la délégation. L’occasion d’échanger sur l’approche « Coopération décentralisée responsable » que nous développons à partir du projet-pilote de Grand Poitiers à Santa Fe en Argentine. Comment concilier coopération internationale, et responsabilité écologique ? Une question réellement pleine de défis voire d’impasses, mais les demandes sont nombreuses dans les réseaux d’élus que j’anime. Ainsi, nous nous appuyons sur notre expérience poitevine pour développer un outil qui nous permettra de mesurer, de réduire, et de compenser l’impact carbone de nos projets internationaux. L’occasion, plus largement, de faire reconnaître l’innovation qui naît dans les projets internationaux des collectivités, l’importance de les soutenir au plus près du terrain et de les prendre en compte dans la diplomatie française. Là aussi, notre plaidoyer de terrain compte.

Notre voix peut porter, elle doit porter

En sortant, à la nuit tombée, nous entendons tout près les bruit d’une manifestation, pacifique, encadrée par la police locale. Plutôt jeune dans ses rangs, elle semble attendre les participants qui terminent leur journée à la COP, comme un surgissement du sentiment d’urgence qui habite la jeunesse. Sont-ils et elles là tous les soirs ?

Les annonces de sombres perspectives sur l’issue de la COP26 continuent de s’égréner, plutôt bien documentées dans la presse, à un rythme qui évolue rapidement. Je vous propose d’en faire un point complet à l’issue de l’annonce des résultats de la COP.

Rejointe par des journalistes de France 3 Poitou-Charentes (qui ont eux aussi témoigné de leur trajet de Poitiers à Glasgow en train !), un passage en direct au JT du soir est l’occasion de faire le bilan de cette la journée. « Avez-vous le sentiment que votre voix peut porter ? » Oui, bien sûr. Notre voix peut porter, elle doit porter. Mais à constater la faible place des collectivités et autres organisations dans les lieux de négociations à proprement parler, et à l’inverse la prépondérance des Etats dans les décisions attendues, on peut être pris de vertige à penser que le destin du monde est à ce point en les mains de quelques chefs d’Etat. 

Alors que nous nous installons sur le Pont de Clyde Arc pour ce direct au JT, un petit groupe s’installe, tout aussi pacifiquement, pour une mise en scène d’interpellation : de petites lumières allumées pour les « loss and damage », un appel à la solidarité internationale vis-à-vis des pertes et dégâts causés par le changement climatique dans les pays les plus pauvres. Je l’avais évoqué dans un précédent article. L’une des jeunes porte-paroles, ayant écouté mon interview, est touchée que j’ai mentionné cette cause dans mes réponses.

Nous nous éloignons, laissant derrière nous ces petites lumières… ou les emportant avec nous ?

Au programme, demain, dernier jour officiel de négociations, qui est aussi la journée thématique dédiée aux collectivités : 

  • 10h : Observation des échanges entre négociateurs en plénière
  • 11h30-12h30 rencontre avec Antonio Gutteres, Secrétaire Général de l’ONU, avec les Maires d’Istanbul, de Londres, d’Austin, Kuala Lumpur (…) 
  • 15h  : Rencontre avec des représentants étudiants du réseau RESES – Réseau Étudiant pour une Société Écologique et Solidaire
  • 16 h : Visite au Pavillon « Resilience Hub », porteur notamment de l’initative de l’ONU « Cities race to resilience », dans laquelle Poitiers s’apprête à s’engager 
  • 19h Réception au Glasgow City Chambers, Mairie de Glasgow

Quand à la prise de parole face à la plénière… Ni confirmée, ni infirmée ! J’apprends que les allocutions du jour se planifient souvent en matinée. Sans compter de nombreux échanges impromptus ou de dernière minute, dont je comprends désormais qu’ils constituent une bonne partie d’un parcours à la COP… Bref, programme non contractuel.

Merci pour vos commentaires sur le carnet de bord d’hier, n’hésitez pas à continuer !

Cet article a 4 commentaires

  1. Oddos

    Merci pour votre engagement et ce retour sur ce sommet qui nous l'espérons ne sera pas un coup d'épée dans l' eau.
    Personnellement, j' ai beaucoup de mal avec la croissance verte, je serai plutôt interressé par une décroissance et une économie de moyens.
    Bonne continuation.

  2. Serge Rivet

    Merci Léonore pour ce retour quasi instantané. On y est aussi !

  3. Benjamin - Lyon

    Il y a des paroles politiques qui méritent d étre lues. Les temps changent. L'écologie n'est plus représentée seulement par des barbus, ou des bo-bobo, mais aussi des élu.e.s, désormais. Des élus qui font leur travail. A Poitiers, à Lyon ou aux Barbades. Ça me fait plaisir. Je compte sur vous. Les lobbies ne doivent plus gagner. Nous devons gagner à leur place ! Nous devons prendre toute notre place. Il n'y a pas de fatalité, nous avons tous un portefeuille pour acheter et donc décider.

    Je veux un avenir moins stressant et pouvoir respirer un air plus pur.

    Merci à vous.

  4. meriaux

    Merci Mme la Maire, chère Leonore avec qui j'ai eu des échanges très intéressants aux Journées été EELV à Poitiers. Les collectivités locales sont, faute de vraie politique dynamique de l'Etat, de vrais moteurs de la transition nécessaire et urgente. On compte sur toi, sur tous les élu-es locaux présents à la COP 26 pour ne rien lâcher ! Car on a pas de planète de rechange, tout simplement donc + 2,1 degrés en 2100 c'est NIET ! Amitiés Pierre MERIAUX adjoint au maire de Grenoble.

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