You are currently viewing Discours d'ouverture des Rencontres nationales de l'Education populaire

Bonsoir à toutes et à tous,

Je suis très heureuse de vous accueillir pour cette seconde édition des Rencontres Nationales de l’Education Populaire ! Et je vous souhaite chaleureusement la bienvenue à Poitiers.

Vous êtes ici chez vous. Avec l’ensemble de l’équipe municipale, et en particulier Alexandra Besnard adjointe à l’éducation populaire et aux MQ, nous souhaitons que Poitiers soit une ville accueillante pour toutes celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, oeuvrent à faire vivre l’éducation populaire.

Et nous sommes de plus en plus nombreux rassemblés autour de cet événement ! Vous êtes près de 700 à venir de toute la France, de métropole et d’outre mer.

Depuis le moment même où a germé cette idée de Rencontres, nous souhaitons que son organisation soit à l’image du « faire ensemble » que nous défendons. « Faire ensemble », et en confiance, entre élus et salariés associatifs / et élus et agents du secteur public ; « faire ensemble », entre réseaux nationaux et acteurs locaux.

Et voyez donc combien de partenaires ont « fait ensemble » ces deuxièmes Rencontres : nous étions 5 en 2022, notre Comité d’orientations rassemble depuis un an 14 organisations ! Je remercie en particulier le CNAJEP, co-organisateur de l’événement, pour son engagement plein et entier dans le projet, dès sa genèse. Et je remercie tous les partenaires qui, par leur soutien, leur enthousiasme et souvent leurs moyens, ont permis de faire de ces Rencontres un rendez-vous renforcé : ainsi, les Rencontres de l’Education Populaire sont désormais co-organisées ou soutenues par une très belle représentation d’acteurs institutionnels et de réseaux associatifs ou syndicaux (FONJEP, INJEP, ANACEJ, Hexopée, CRAJEP NA, CREPS de Poitiers, Collectif des Maisons de quartier de Poitiers), et par une majorité d’associations d’élus (AMF, ARMF, France Urbaine, Régions de France). Chacun de ces réseaux est ce soir représenté, je vous remercie pour votre présence, et pour votre soutien. C’était un vrai plaisir de construire ensemble cette nouvelle édition de nos Rencontres.

Merci à toutes les associations, toutes les collectivités, les institutions, qui par leurs contributions nous permettent de proposer un programme d’une richesse appétissante, avec notamment 50 ateliers – manufactures, et un village associatif ouvert au grand public.

Je salue aussi la présence de l’Etat, en la personne de Madame la Sous-Préfète, Directrice de Cabinet du Préfet de la Vienne, de la Présidente de la Commission Education et du Secrétaire Général du Conseil d’Orientation des politiques jeunesse, et de Madame la Défenseure des Droits, Madame Claire HEDON, que je remercie d’avoir accepté d’intervenir ce soir, et Madame la Ministre qui nous adressera un message en vidéo.

Et enfin, je remercie le TAP de nous accueillir, et de donner une coloration culturelle à ces Rencontres dont une ambition est bien d’être un moment de rassemblement convivial et fédérateur.

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Aujourd’hui comme il y a deux ans, une autre ambition de ces Rencontres est de replacer l’éducation populaire au cœur des débats publics. Riche d’une histoire que nous aurons l’occasion d’éclairer durant ces journées, elle mérite aujourd’hui d’être préservée et consolidée dans ses fondements et ses moyens, et de reprendre sa place, en pleine lumière, dans les réponses sociales et éducatives aux enjeux actuels.

Nous avions construit ensemble un Manifeste = un plaidoyer structuré autour de 5 ambitions, nourries de propositions concrètes :

  • Renforcer les coopérations entre acteurs publics et associatifs de l’éducation populaire
  • Renforcer la visibilité de l’éducation populaire
  • Renforcer les moyens d’action des associations de jeunesse et d’éducation populaire
  • Faire vivre la démocratie et la République par l’éducation populaire
  • Agir pour un accès aux droits pour toutes et tous par l’éducation populaire

Depuis, le dialogue autour de ces questions vit dans le cadre d’instances telles que le Comité d’Orientations des politiques Jeunesse ou le Comité de filière animation, auquel nous sommes nombreux à participer.

Depuis, si le dialogue a le mérite d’exister et d’être entretenu notamment par les organisations de jeunesse et d’éducation populaire et associations d’élus, il serait difficile de dire que nos propositions ont toutes trouvé une déclinaison concrète.

En réponse à l’enjeu des moyens d’action, de l’attractivité du secteur de l’animation, on pourrait parler de l’ouverture du BAFA à 16 ans, conçue comme une partie de la réponse face aux difficultés de recrutement. Le Comité de filière a aussi récemment préconisé le salaire minimum à 50 euros brut par jour pour les CEE, et l’encadrement plus strict de son utilisation pour le réserver à des missions occasionnelles. Mais depuis, nous avons aussi à déplorer la disparition entérinée dans la loi du Fonds de soutien aux activités périscolaires pour les collectivités, qui privera – sauf changement d’avis gouvernemental, fortement espéré, d’ici là - 600 000 enfants en France du soutien de l’Etat sur ce temps éducatif essentiel.

Le droit aux vacances semble réapparaître dans les politiques publiques : le dispositif « vacances apprenantes » a par ailleurs été pérennisé, et on peut saluer le dernier né « Pass Colo ». Mais comment faire vivre des séjours alors que les moyens pour entretenir le patrimoine des colonies de vacances sont toujours si rares ?

Le Service National Universel prend chaque année plus de place dans les politiques jeunesse nationales, dans les budgets des politiques jeunesse... Et toute hégémonie inquiète 😊

Difficile de citer toutes les mesures, débats, qui font votre quotidien. Ces rencontres seront justement l’occasion de partager un état des lieux des avancées, des fragilités persistantes, des besoins émergents. Mais je suis convaincue que, dans ces espaces de dialogue où nous nous investissons au quotidien, des événements tels que nos Rencontres nous aident à porter un état des lieux partagé, et un plaidoyer consolidé.

Et, de même que nous savons si bien faire ensemble ici, la solidarité entre acteurs me semble essentielle dans ces espaces. Soutenir les associations, soutenir les organisations syndicales, soutenir les acteurs institutionnels du secteur, soutenir les collectivités, c’est soutenir l’éducation populaire.

Mais cette année, ici nous allons plus loin que le plaidoyer. Cette année, nous nous lançons le défi de mettre les mains dans la fabrique des politiques publiques, avec un exercice inédit d’ « atelier des lois » qui nous permettra, samedi matin, avec six députés, de faire émerger ensemble des propositions de loi pour l’éducation populaire. Des propositions concrètes, étayées, pour donner des leviers directs à celles et ceux qui souhaiteraient porter concrètement ces propositions pour notre secteur. Merci à Démocratie ouverte d’animer cet atelier original en son genre, unique en son ampleur.

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Contribuer à la fabrique des politiques publiques… Mais aussi, contribuer à fabriquer du sens : c’est une troisième ambition que nous nous donnons aussi dans ces Rencontres.

Le dernier enjeu de notre plaidoyer de 2022 consistait à reconnaître l’éducation populaire comme un élément essentiel du maillage de l’accès aux droits : c’est le fil rouge que nous avons souhaité nous donner pour cette édition 2024. Dans sa genèse même, l’éducation populaire est née de la conviction que l’accès à l’éducation, à la culture, aux loisirs, aux vacances, au sport, à la participation citoyenne, sont des droits fondamentaux. Or, nous avons partagé le constat que ces droits sont en recul dans la société française en général, mais en particulier dans les territoires que l’on pourrait qualifier d’excentrés : territoires ruraux, outre mer, quartiers dits prioritaires… Des territoires dont les témoins présents à la table ronde de ce soir parleront bien mieux que moi, mais qui ont en commun d’être à la fois en première ligne de la fragilisation des offres éducatives, culturelles, de loisirs, et à la fois de connaître un fort sentiment de relégation ou de fracture avec le reste du pays, en particulier chez la jeunesse.

Je pense à la Nouvelle Calédonie, par exemple, et aux débats et violences qui s’y expriment. Et je pense aux violences urbaines ont durement touché nos quartiers, dans de nombreuses villes en France, et y-compris ici à Poitiers. La violence d’une jeunesse qui n’a pas trouvé de cadre, d’espace, pour exprimer autrement sa colère, ses frustrations.

Au-delà des réponses sécuritaires dans l’urgence, des réponses bâtimentaires dans la reconstruction, quelles réponses a-t-on entendu en matière de politique éducative ? Aucune, a minima pas à l’échelle nationale, si ce n’est quelques coups de menton incantatoires appelant à « rétablir l’autorité et les valeurs de la République », qui oublie que le respect de la République ne se décrète pas mais qu’il se construit, qu’il s’éprouve, notamment lorsque la République garantit à chacun une présence éducative de proximité et de qualité. Non, au contraire, à rebours de tous les besoins du moment, des acteurs essentiels au maillage du lien social dans les quartiers comme les Centres Sociaux ont tiré en janvier dernier une sonnette d’alarme inédite quant à leurs moyens ; et parfois, ils disparaissent à bas bruit, comme c’est le cas dans notre ville voisine Châtellerault. Une vision, une réponse éducative et sociale globale manque, indubitablement. Et soyons humbles, laissons-nous interpeller y-compris à l’échelle locale : je le disais, ces violences ont eu lieu y-compris à Poitiers, ville pourtant riche d’un maillage unique et particulièrement dense de Maisons de quartier, actrices de l’éducation populaire qui font notre fierté, dotées d’une forte capacité de coopération. Et Maisons de quartier, élus locaux, institutions, tous, nous savons bien combien, au quotidien, c’est un défi de faire en sorte que cette jeunesse se sente partie prenante d’un tout commun.

Face au sentiment de déclassement qui nourrit la tentation de la violence, ou au contraire du fatalisme, et de la résignation, nous avons besoin d’une réponse éducative, culturelle, citoyenne, dans laquelle l’éducation populaire doit jouer un rôle majeur. Et cette réponse, c’est à nous de la construire.

Parce-que l’éducation populaire entend écouter et s’attaquer aux causes, plutôt que de camoufler les symptômes d’un mal-être profond. Parce-que l’éducation populaire, en offrant des cadres de réussite complémentaires à ceux de l’école pour les plus jeunes, en offrant des espaces d’apprentissage de la vie en commun, des espaces de construction de projets, de perspectives positives, permet de faire choisir l’engagement plutôt que la colère.

Quels sont les contacts que nous avons réellement avec ces jeunesses en colère, ces jeunesses « excentrées » ? Comment leur offrir les espaces collectifs pour grandir sereinement, faire l’expérience de la mixité sociale, culturelle, de genre, indispensable à la cohésion sociale ? Comment renouer avec une forme d’ambition originelle de l’éducation populaire qui était d’aller chercher les jeunes sans offre éducative, pour les emmener en vacances, au club de sport, au spectacle… ?

Beaucoup de questions, bien d’autres que nous nous poserons pendant ces trois jours, qui, à partir de ce fil rouge de l’accès aux droits et de la cohésion entre territoires, peuvent et doivent nous permettre, j’en suis convaincue, de donner un sens renouvelé à nos engagements pour l’éducation populaire.

Nous sommes dans un moment double défi. A la fois, il semble que l’éducation populaire n’a jamais été aussi fragile du point de vue de ses moyens. Et à la fois, elle n’a jamais été aussi indispensable pour maintenir, recréer, des espaces de lien social, d’éducation, et de pratique de la citoyenneté qui permet de faire du « vivre ensemble » non une expression galvaudée mais un objectif éducatif, à travers l’expérience vécue, savamment accompagnée. En somme : si nous savons nous en saisir, l’éducation populaire a un rôle majeur à jouer pour reconstruire la cohésion territoriale, la cohésion sociale, pour « refaire société ».

Et aujourd’hui, nous retrouver, nous former, réfléchir ensemble et construire NOS propositions lors de ces Rencontres : c’est déjà une manière de « faire société », à notre échelle.

Je ne saurais terminer sans remercier très chaleureusement tous les agents de la Ville de Poitiers qui s’affairent depuis des semaines pour organiser votre accueil. Grâce à elles et eux, grâce aussi à tous les acteurs du territoire qui se sont mobilisés, toutes les conditions sont réunies pour que nous passions de belles journées.

Alors, je vous souhaite de très belles Rencontres Nationales de l’Education Populaire !