17 mars 2022 - Poitiers, le Palais
Bonsoir à toutes et à tous,
Et bienvenue aux premières Rencontres Nationales de l’Education Populaire !
Bienvenue au Palais, qui a de tous temps été au cœur de l’histoire de la ville de Poitiers voire de France, le lieu du pouvoir des Ducs d’Aquitaine où Aliénor d’Aquitaine a laissé son empreinte, lieu de justice, et aujourd’hui un espace ouvert aux initiatives culturelles, citoyennes, toujours au cœur de la Ville de Poitiers.
Merci CNAJEP, AMF, Régions de France, Nouvelle-Aquitaine, CRAJEP, Collectif des Maisons de quartiers de Poitiers, aux commerçants, aux artistes, bref, à tous les partenaires qui font d’ores et déjà de l’organisation de cet événement un espace fédérateur.
Merci à Alexandra Besnard, Adjointe à l’Education Populaire et aux Maisons de quartier, d’avoir brillamment relevé le défi de ce projet un peu fou, et merci aux services de la Ville de Poitiers de s’être fortement mobilisés, dans un contexte difficile car marqué depuis des mois par les incertitudes liées au COVID, pour que nous passions un événement stimulant, confortable, convivial, au cœur de la Ville de Poitiers où nous avons un réel plaisir à vous accueillir.
C’était un défi, d’organiser un événement avec un si grand nombre d’acteurs, mais nous souhaitions que l’organisation des Rencontres soit à l’image de ce à quoi nous aspirons pour l’avenir de l’éducation populaire : une alliance et une confiance entre les associations, qui font vivre l’éducation populaire au quotidien, et les politiques publiques qui les accompagnent.
Et bien sûr, je vous remercie, toutes et tous, de nous avoir rejoint pour ces trois jours.
Vous venez de toute la France ! Vous êtes élu, agent.e, militant, cadre associatif, ou citoyen.citoyenne, vous venez de Bordeaux, vous venez de Saint-Etienne, vous venez de Grenoble, vous venez des Deux-Sèvres.
A toutes et à tous, bienvenue à Poitiers !
Et je ne suis pas seule à vous souhaiter la bienvenue, puisque les poitevines et les poitevins, sont aussi venus en nombre, pour faire valoir la force de l’éducation populaire sur notre territoire. Merci à vous, parce-que vous êtes la principale raison pour laquelle c’est Poitiers, qui accueille ces Rencontres Nationales de l’Education Populaire.
Pourquoi à Poitiers ?
- Parce-que Poitiers est une ville dont le tissu associatif est particulièrement dense (1 association pour 30 habitants, contre 1 pour 60 au niveau national), dynamique, et soutenu par des politiques publiques engagées depuis des dizaines d’années. Poitiers dispose de 11 Maisons de Quartier, que vous aurez l’occasion de découvrir pendant les manufactures de demain. Elles sont toutes associatives, reconnues pour leur action au service de la cohésion sociale dans les quartiers de la ville et leur capacité à coopérer… y-compris avec nous, puisqu’elles ont activement contribué à l’organisation de l’événement.
- Peut-être avez-vous déjà entendu le Ministre de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports parler de Poitiers comme la « Capitale de l’Education ». En effet, Poitiers héberge le siège de nombreux opérateurs nationaux de l’éducation nationale (CNED, IH2EF, Canopé). Avec ces Rencontres Nationales de l’Education Populaire, nous ferons de Poitiers une capitale qui valorise l’éducation dans la diversité de ses apports, et de ses acteurs.
C’est un événement construit pour toutes et tous, avec toutes et tous, y-compris celles et ceux qui n’ont pas un parcours dans l’éducation populaire, mais sont curieux, curieuses. Vous aurez l’occasion demain de découvrir peut-être, de re-découvrir sans doute, les fondements, l’histoire, les réalités de l’éducation populaire, et de mesurer combien elle a été au coeur de nombreuses politiques sociales éducatives, culturelles, depuis plusieurs siècles.
Et pourtant, aujourd’hui, l’éducation populaire disparaît des débats comme elle pourrait disparaître des politiques publiques, sans bruit.
Sans bruit, depuis des décennies, l’éducation populaire est peu à peu fragilisée, et n’échappe pas à la libéralisation croissante de la société.
Dans un discours plombant permanent de carence de moyens publics, l’éducation populaire se débat avec des politiques publiques de plus en plus gestionnaires, qui confinent ses acteurs au statut de prestataires, qui réduisent leurs emplois, qui oublient le sens de leur projet, et qui, au fond, les entretiennent dans un questionnement permanent et insolvable : rester fidèle à son projet, à ses valeurs ? Ou jouer le jeu des cadres imposés, au risque sans cela de menacer l’existence même de leurs structures ?
Sans bruit, l’éducation populaire est aujourd’hui, à nouveau, invisibilisée dans les organigrammes ministériels, et dans le débat public. Avez-vous entendu parler de politiques sociales du temps libre pendant cette campagne Présidentielle ? Alors que tant d’inégalités augmentent quant au droit aux vacances, droit à la culture, et même de droit à la jeunesse.
Mais surtout, l’éducation populaire contraste très fortement avec les évolutions de notre société, et singulièrement de ses ambitions éducatives.
Fondée sur la recherche d’émancipation des citoyens, l’éducation populaire entre en confrontation avec une société où nous sommes de plus en plus appréhendés uniquement comme des travailleurs, des consommateurs, des sujets partagés entre l’assertion de valeurs descendantes, et l’injonction libérale de « prendre leur destin en main ».
Fondée sur l’action collective, le sens de la coopération, l’éducation populaire entre en confrontation avec une société de plus en plus individuelle, dans laquelle l’engagement dans des espaces collectifs est de moins en moins reconnu, soutenu. Alors que c’est là que se construit l’autonomie, l’esprit critique, la conscience politique, l’approche politique dominante encourage la désertion des espaces collectifs dans nos villes, dans nos quartiers, dans nos services publics relégués derrière des écrans.
Mais c’est justement parce-que notre société, au sortir d’une crise COVID qui a tant miné les liens sociaux, en pleine crise de confiance démocratique, en proie à une forme de prostration face à la montée des extrêmes, que nous avons aujourd’hui besoin d’une éducation populaire forte. Porter un plaidoyer pour la connaissance, la re-connaissance de l’éducation populaire en tant qu’espace éducatif pertinent face aux défis du moment : c’est le premier objectif des Rencontres Nationales de l’Education Populaire.
Il ne s’agit pas de défendre l’éducation populaire comme une image d’Epinal, une jolie photo des colonies de vacances de notre enfance. Nous nous inscrivons dans une histoire forte, marquée par les moments illustres de la Révolution française, du front populaire, de la libération, de la décentralisation culturelle, et même des Rencontres pour l'avenir de l'éducation populaire, organisées par la Ministre Marie-Georges Buffet en 1998, c’est une histoire que nous reconnaissons, dont nous sommes fiers, et que, humblement, nous poursuivons. Mais aujourd’hui, il s’agit d’écrire une nouvelle page, de prendre de nouvelles photos, qui soient profondément à l’écoute des besoins actuels des citoyens et citoyennes.
Il ne s’agit pas non plus d’être sur la défensive uniquement. L’éducation populaire est, à mon sens, tout autant menacée par des politiques publiques dégradées, que par la méconnaissance, l’effacement, l’éloignement de son projet vis-à-vis des acteurs de l’action publique, et des citoyens. Nous devons aussi faire face à une profonde méconnaissance du sens de l’éducation populaire, de ses fondements, de ses acteurs, pour qui ne l’a pas expérimentée. C’est pourquoi la formation, des élus, des agents des collectivités, des cadres et militants associatifs, est un autre objectif fort des Rencontres Nationales de l’Education Populaire.
Mais surtout, l’éducation populaire ne sera jamais aussi forte que si elle s’ouvre, se met à l’écoute et en mouvement pour prendre à bras le corps les besoins des citoyens d’aujourd’hui et de demain. De quels espaces ont besoin, aujourd’hui, les citoyens les plus éloignés des espaces collectifs ? De quel monde auront besoin, demain, les enfants qui naissent aujourd’hui ?
Comment faire de l’éducation populaire une réponse à l’urgence démocratique ? Face à la désaffection démocratique, face au surgissement des aspirations communautaires ou autoritaires, il y a urgence à nous rappeler que la démocratie, que même la conscience du sens de la République, ne se décrète pas, mais qu’elle s’apprend, qu’elle se pratique, qu’elle s’éprouve à travers des débats, des espaces de délibération collective.
Comment apporter une réponse, par une action éducative, à la montée des extrêmes ?
Comment contribuer à faire en sorte que la jeunesse des quartiers dits prioritaires se sente vraiment partie prenante de la communauté locale, nationale ? Comment lui donner confiance en son pouvoir d’agir, pour qu’elle soit mieux représentée ?
Comment accompagner la jeunesse face aux bouleversements climatiques annoncés, qui vont être au cœur de leur vie, de notre vie ?
Et comment faire entendre, en ces temps où des peuples subissent à nouveau la guerre à nos frontières, que fondamentalement, l’éducation populaire est aussi un mouvement d’éducation à la Paix. Parce-qu’elle forme des citoyens éclairés, libres d’esprit, capables de s’émanciper de toute propagande ou domination intellectuelle, parce-qu’elle leur permet d’expérimenter le vivre ensemble parfois au-delà des frontières, elle fait partie des réponses à rehausser aujourd’hui.
Ce sont quelques unes des questions auxquelles les Rencontres Nationales vous proposent non pas de répondre, mais de réfléchir.
Ainsi, dans ces temps difficiles, où nous avons besoin de faire corps, la Ville de Poitiers souhaite être une ville accueillante pour toutes celles et tous ceux qui font vivre l’éducation populaire. Humblement, nous souhaitons être comme une ville refuge, une ville repère, et surtout une ville de stimulation politique et éducative pour faire en sorte que l’éducation populaire reste éveillée, dans cette logique de questionnement permanent de nos projets, de nos pratiques, qui font parfois le charme de réunions interminables, mais qui est pourtant indispensable pour être à l’écoute du monde, et en prise avec ses appels.
Une ville où, tous les deux ans, nous puissions faire un « pas de côté » pour se former, échanger, penser ensemble l’actualité et l’avenir de l’éducation populaire. C’est un autre objectif des Rencontres de l’Education populaire.
Je vous souhaite à toutes et à tous de très belles Rencontres de l’Education Populaire.